Qui n’a pas entendu parler de ces fameuses coliques ?
Bien connues de nos générations précédentes, elles appartiennent encore aujourd’hui à cette mythologie d’épreuves douloureuses considérées comme quasi obligatoires chez nos chers petits. « Il a eu ses coliques », « Il a fait ses dents », ouf !
On peut souffler, il a franchi les premiers obstacles…
Non, bien sûr, elles ne sont pas obligatoires, mais sont néanmoins fréquentes.
De quoi s’agit-il ?
En fait, le mot colique est un terme impropre, un peu fourre-tout, qui correspond à un spasme digestif douloureux.
Ce spasme digestif survient chez les jeunes nourrissons âgés de quinze jours à deux mois le plus souvent, entraînant un tableau caractéristique :
– le nourrisson, après avoir bu sa ration de lait, s’est endormi, calme et serein ; brutalement, il se réveille et se met à pleurer.
Il devient vite rouge de colère et de douleurs, s’agite en tout sens, remue ses jambes, les replie sur lui. La crise va durer quelques minutes pendant lesquelles rien ne peut calmer l’enfant, ni les bras de la mère, ni les bercements, ni un peu de lait ou d’eau que l’enfant refuse.
– puis doucement, la crise cesse : l’enfant finit par se rendormir épuisé. La mère aussi…
– souvent, on croit que tout est rentré dans l’ordre, mais rapidement survient une nouvelle crise à l’identique, ces épisodes se répétant régulièrement, plusieurs fois par
jour.
Contrairement aux douleurs typiques du Reflux gastro-oesophagien, il n’y a pas, pour les
coliques, de douleurs lors des prises de lait.
Quelle est l’origine de ces spasmes digestifs ?
Pendant longtemps, la médecine est restée sourde et muette devant cette symptomatologie.
Comme il n’y avait pas d’explication claire à donner, le plus simple fut de parler de problèmes relationnels entre la mère et l’enfant…
On avait « refilé le bébé » à ses parents !
Et ces parents, angoissés et désespérés, doutant eux-mêmes de leur capacité à bien savoir s’y prendre avec leur bébé, étaient « enfoncés » bien profond par l’institution médicale qui leur faisait comprendre que leur bébé, dont l’examen était normal, souffrait d’un problème de « communication » parent-enfants !
Aujourd’hui, les choses bougent ! A tel point que les débats, recherches et communications médicales sur les coliques du nourrisson se multiplient.
Elles tendent enfin à déplacer le curseur du tout psychosomatique vers une explication plus « organique ».
Le point sur les coliques aujourd’hui.
L’incidence des coliques est estimée entre 10 et 45 % dans les pays industrialisés. Les symptômes sont à leur maximum vers six semaines de vie, indépendamment du terme, du poids de naissance de l’enfant et du mode d’allaitement : sein ou biberon.
Ces coliques sont caractérisées par des cris paroxystiques, inconsolables et sans cause évidente.
Selon la définition de Wessel et al, il s’agit d’un enfant en bonne santé, criant au moins trois heures par jour pendant au moins trois jours par semaine et au moins pendant une période de trois semaines.
Ces coliques altèrent la sensation de bien-être du nourrisson et de la famille, ce qui en fait une maladie, selon les critères de l’OMS.
Elles occupent la deuxième place dans l’ordre des préoccupations maternelles.
Le débat sur la cause des coliques
Les tenants du versant « psycho » se manifestent toujours, et ce, de manière assez péremptoire : Docteur Nathalie Boige[1], gastro-pédiatre :
« les coliques du nourrisson sont un symptôme psychosomatique et relationnel. Elles sont un symptôme psychosomatique du bébé : à cet âge, l’enfant s’exprime avec son corps et les souffrances physiques et psychiques sont indissociables. Elles sont aussi un symptôme relationnel, avec un échange d’angoisse entre parents et enfant, des interactions mal accordées, l’absence de plaisir interactif. »
Les recherches menées ces dernières années proposent enfin un début d’explication organique digestive : l’implication possible de modification de la microflore intestinale dans la pathogénie de ces coliques.
Le lactobacillus dont la fonction majeure est son rôle de fermentation des glucides et protéines dans le tube digestif est présent en moindre quantité chez les enfants porteurs de coliques.
Une supplémentation avec un probiotique : lactobacillus Reuteri entraîne une disparition des symptômes après 14 jours.
Il apparaît ainsi que les coliques seraient le signe d’une souffrance intestinale inflammatoire par déséquilibre de la flore intestinale.
L’origine non organique, c’est-à-dire psychosomatique semble bien devoir être remise en cause, d’autant que récemment, il a été montré une augmentation d’un marqueur témoignant d’une atteinte inflammatoire de la muqueuse intestinale chez les enfants porteurs de coliques (Calprotectine fécale, Rhoads et al. 2009).
Aujourd’hui, la supplémentation en lactobacillus Reuteri est intégrée dans certains laits infantiles en poudre.
Elle peut être proposée sous forme de gouttes à donner quotidiennement à l’enfant nourri au sein : Biogaïa® : 5 gouttes par jour en une seule prise.
Mais cette explication organique concernant un déséquilibre de la flore intestinale n’est pas suffisante, car une supplémentation en probiotique n’entraîne pas une sédation miraculeuse et systématique des troubles.
Les recherches continuent : problème lié à l’environnement ?, dérèglement neuromusculaire des fibres lisses de l’intestin ?… On attend !
[1] A compléter
Attitude pratique
Elle sera déterminée par le pédiatre et l’écoute attentive qu’il portera aux signes de douleurs de votre enfant.
L’interrogatoire et l’analyse précise de condition de survenue des pleurs seront essentiels pour déterminer si, sous ce vocable de coliques, ne se cachent pas : œsophagite liée à un reflux gastro-œsophagien, une intolérance au lactose, une APLV, une constipation.
Si le diagnostic de coliques est confirmé, c’est-à-dire en fait s’il n’y a pas de cause évidente à ces pleurs, quelle sera la prise en charge ?
– Diminuer l’impact possible d’un reflux gastro-œsophagien associé, en favorisant dans le lit la position surélevée du haut du corps, prescription d’un lait pré-épaissi si l’enfant est au biberon.
– Éliminer une APLV et en cas de doute, proposer un lait sans PLV.
– Vérifier, voire changer de tétine pour diminuer l’ingestion d’air.
– Proposer des petits repas fréquents.
– Maintenir l’enfant en position verticale lors des prises de lait.
– Le portage : tenue du nourrisson sur le ventre avec les mains jointes de la mère sur l’abdomen et prendre le nouveau né dans les bras et le bercer.
– Lui masser le ventre : posez la paume au niveau de la hanche droite, glissez doucement vos doigts vers le haut jusqu’à la cage thoracique, déplacez-les en latéral et redescendez sur la hanche gauche. Revenez à la hanche droite et recommencez quatre à cinq fois de suite.
– Recommander à la mère qui allaite de ne pas consommer trop de légumes secs ou de chou.
– Les médicaments ? Ne pas se priver d’une supplémentation en lactobacillus Reuteri : lait enrichi en lactobacillus ou supplémentation par Biogaïa : 5 gouttes par jour.
– La Diméticone (PolysilaneÒ) est souvent utilisé en raison de son action sur la production des gaz. Son efficacité est modérée.
– La trimébutine (DébridatÒ) n’a pas démontré un effet thérapeutique.
– Les tisanes à base de verveine, camomille, réglisse, auraient une action antispasmodique. En France est commercialisée la CalmosineÒ, boisson aux plantes.
– Recommander un climat apaisant ! Vite dit mais plus difficile à mettre en place quand la mère est épuisée par l’inquiétude et le manque de sommeil et que justement l’enfant pleure… mieux vaut cependant un fond de musique classique que la présence trop envahissante des grands-mères ou amies aux avis contradictoires…
– La kinésithérapie et l’ostéopathie peuvent apaiser l’enfant pendant la durée des séances mais le problème de fond demeure.
– La mise en place d’une tétine, les ballades répétées en poussette ou kangourou sont des gestes très vite organisés par les mères ; mais là, on s’engage peut-être dans un processus piège.
– L’aide d’une tierce personne, voire d’une hospitalisation dans de rares cas, peuvent s’avérer nécessaire pour laisser à la mère le temps de récupérer mentalement (déculpabilisation) et physiquement (sommeil).
– C’est ici que l’on peut dire qu’il y a problème de communication parents-enfants ; mais c’est sans doute la colique qui a fait dégénérer la relation et non pas l’inverse !