Pouce ou tétine

Question anodine ?

Que non !

Cette « tétine », cette « sucette », cette « tototte » a pris une telle dimension dans l’imagerie sociale du bébé, qu’elle fait aujourd’hui presque partie intégrante de la liste des objets obligatoires de puériculture.

 

50 à 80 % des bébés de 1 à 6 mois ont une tétine ;

15 % dès la sortie de maternité ; et 2,5 % dès le 1er jour de la vie !

Certains parents iront donc acheter la tétine en même temps que les couches, le lait et les biberons… sans se poser la moindre question et la donneront rapidement à leur bébé.

D’autres parents l’achèteront également, au cas où… pour ne pas être pris au dépourvu, et finalement… la proposeront pour voir ce que ça donne.

Et puis il y a les pour, il y a les contre, les plutôt tétine, les plutôt pouce.

Tous les parents étant par contre tous bien d’accord pour reconnaître que leur bébé, comme tous ses copains du même âge, a un besoin prioritaire, celui de combler une satisfaction orale impérieuse.

A ce stade initial de la vie, en effet, la majorité des modes de reconnaissance du monde environnant passe par la bouche.

Parmi les cinq sens, tous ne sont pas au point.

Certes, le bébé sent les odeurs (surtout celle de sa mère), certes il entend des bruits ; par contre, il ne voit les choses que de manière partielle, et bien sûr il ne peut pas toucher avec les mains – enfin pas tout de suite…

A son secours : la bouche ! Organe fondamental et prioritaire – avec les cordes vocales (!) – qui lui permet à la fois de survivre en buvant le lait, de goûter, de reconnaître et de prendre plaisir.

Les mères qui choisissent la tétine sont souvent les mères qui viennent d’avoir leur premier enfant.

Leurs arguments :

  • « On ne va pas passer à côté d’un confort possible pour l’enfant. Il ne sait pas encore trouver son pouce,
  • alors qu’il a besoin de tétouiller… et qu’il aime ça!
  • Il s’endort plus facilement.
  • Et puis quand il n’en veut plus, il s’en sépare.
  • Cela déforme moins les dents…
  • Et je ne veux pas qu’il suce son pouce comme moi jusqu’à 30 ans ! »

Les mères qui choisissent le pouce ou en tout cas refusent de proposer d’emblée la tétine.

Ces mères ont souvent déjà eu un ou plusieurs enfants…

Leurs arguments :

  • « Le pouce, c’est naturel !
  • C’était déjà son pouce qu’il suçait dans mon ventre et non pas un bout de caoutchouc.
  • Il met déjà la main à la bouche et va finir par le trouver.
  • La tétine, c’est sale, ça tombe, il faut la nettoyer.
  • Son pouce, il ne risque pas de le perdre ;
  • c’est à lui de choisir ou non de le mettre à sa bouche et non pas à moi d’être une « mère sucette ».
  • De toute façon, je suis contre la tétine car j’ai donné avec le premier – surtout la nuit… »

Qui a raison ?

C’est vous qui aurez raison de faire ce qu’il vous semble juste de faire.

Simplement, vous agirez d’autant mieux que vous en saurez plus sur ces quelques données réalistes qui vont suivre.

Quelques vérités pour vous aider…

Si bébé a reçu très tôt une « tétine », il lui sera ensuite très difficile de s’en
séparer.

Il deviendra très vite un « accro » de cet appendice buccal, de jour comme de nuit… avec pour les parents des conséquences parfois douloureuses pour leur repos nocturne.

Vous lui aurez donné, en cadeau de naissance, une dépendance !

Le pouce ne déforme pas plus les dents que la sucette ! C’est même plutôt le contraire !

Si votre enfant suce longtemps le pouce ou la sucette, son arcade dentaire supérieure sera de toute façon projetée en avant.

 

 

Mais pour le tétouilleur invétéré de sucette, il y aura en plus un bel espace entre les incisives inférieures et supérieures.

 

Qu’il suce le pouce ou la sucette pendant plusieurs années, votre enfant aura sans doute droit plus tard à ces belles bagues argentées qui fleurissent à partir de onze ans dans la bouche de nos collégiens. Pas de panique, vous avez le temps !…

Et mieux vaut porter un appareil dentaire mais être bien dans sa tête… parce que l’on a tétouillé allègrement pendant son enfance.

Si la bouche de votre bébé est « occupée » par une tétine…

Il ne risque pas de trouver son pouce !… Vous aurez donc choisi pour lui car il y aura peu de chances d’assister à un retour en arrière.

Une fois que la tétine est goûtée, elle est adoptée… ad vitam bébéam

Il faut bien avouer que ce n’est pas forcément la mère qui se précipite en premier pour lui caoutchouter la bouche.

Certaines maternités conseillent encore la tétine pour arrêter les pleurs ! ? lorsque ce n’est pas la nuit, en cachette, sans prendre l’avis de la mère, qu’un membre du personnel placera discrètement une tétine de biberon bouchée par du coton… pour faire cesser les pleurs d’un bébé, ce bébé qui a eu le tort de réclamer à boire à l’heure où le service
« biberon de nuit » n’avait pas encore sonné.

Sachez aussi qu’il n’est pas du tout inquiétant ni anormal qu’un bébé qui n’a pas reçu la sucette ne choisisse pas non plus de prendre son pouce.

Il s’investira dans un niveau sensuel différent : par exemple, un « doudou » qui chatouillera délicieusement son nez, son visage et qu’il pourra même mettre à la bouche…

Est-ce mieux ? Est-ce moins bien ? En tous cas, ce sera « son » truc.

Et nos scientifiques, qu’en disent-ils ?

De nombreuses études sur le sujet commencent à voir le jour, démontrant bien que le débat : « sucette or not sucette » a pris une dimension universelle.

Que disent donc les observateurs de la mondialisation de la tétine ? Voici l’état de leurs conclusions :

En défaveur :

L’usage de la tétine est mauvais pour l’allaitement maternel.

Et reprenant les conclusions d’une étude brésilienne sur le sujet, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) dans les 10 conseils qu’elle émet pour favoriser l’allaitement maternel, en est arrivé à conseiller la prohibition de l’usage de la sucette, sans doute parce qu’un enfant qui passe son temps à téter une tototte aura moins d’énergie pour téter
sa mère… avec pour conséquence une moindre production de lait.

L’usage de la tétine est associé à une fréquence des otites qui est doublée par rapport au groupe observé sans tétine (étude américaine).

Pour d’autres, la proportion n’est que d’un quart d’otites supplémentaires chez les tétineux (étude finlandaise).

En règle générale, il existe – étude anglaise portant sur 11 000 enfants – une relation : tétine et plus grande fréquence de pathologie mineure : vomissements, fièvre, rhino-pharyngites.

Quant aux études sur la dentition, elles confirment bien la responsabilité au moins égale de la sucette par rapport au pouce.

En faveur :

Chez le prématuré, la tétine facilite l’acquisition du réflexe de succion.

Intérêt bien démontré de la tétine : son rôle analgésique (anti douleur), le score de la douleur s’abaissant nettement lorsque l’on associe tétine et prise de sucre (glucose ou saccharose).

La possibilité d’un scénario « tétine catastrophe ».

Dans certains cas – imprévisibles – la sucette va devenir une véritable drogue pour bébé, avec l’adieu au sommeil pour les parents – enfin… surtout pour la mère !

Ce scénario se déroule en plusieurs actes.

Si parfois il est possible de le stopper en temps voulu et d’éviter qu’il n’atteigne son stade ultime, il faut bien savoir qu’il très difficile de rompre le cercle vicieux quand il est installé.

Scénario :

Acteurs principaux : bébé et sa mère.

Lieu de l’action : les chambres des parents et du bébé.

Moment de l’action : la soirée et la nuit.

Costumes : bébé en grenouillère ou surpyjama, la mère en chemise de nuit.

Accessoire principal : la sucette.

Bruitage naturel : les pleurs du bébé et le père qui ronfle…

Acte 1 : Bébé s’endort le soir avec la sucette.

Acte 2 : Bébé qui « faisait toutes ses nuits » se réveille maintenant plusieurs fois, et à chaque fois la mère lui remet la sucette pour le calmer et le rendormir.

Acte 3 : Progressivement, mais sûrement, bébé en est arrivé maintenant à se réveiller et à pleurer 5 à 10 fois chaque nuit, et à chaque fois, il faut se lever, marcher en titubant jusqu’à sa chambre et lui remettre pour la Xe fois la sucette dans la bouche.

Le père, lui, très fatigué de sa journée de travail…dort du sommeil du juste !

Car il faut bien admettre que le pourcentage de pères qui se lèveront la nuit pour participer au scénario de la pièce est très réduit.

Beaucoup ont en effet en commun une acuité auditive bizarrement quasi-nulle… au niveau de la fréquence sonore des bruits émis par un bébé la nuit !

Et pour ne pas en arriver là…

LAISSEZ À VOTRE BÉBÉ LE TEMPS DE TROUVER SON POUCE TOUT SEUL.

S’il en a envie…

À LA MATERNITÉ : REFUSEZ QUE L’ON DONNE UNE SUCETTE À VOTRE BÉBÉ.

Notamment s’il pleure la nuit dans la nursery
quand ce n’est pas « l’heure du biberon ».

Demandez que l’on vous l’amène dans votre chambre, prenez-le dans vos bras, calmez-le, parlez-lui, caressez-le et s’il a faim, donnez-lui le sein ou demandez un biberon.

Quand il est calmé, mettez-le dans son lit, continuez à lui parler et à le toucher jusqu’à ce qu’il s’endorme complètement.

À LA MAISON : NE CÉDEZ PAS AUX CONSEILS DE L’ENTOURAGE.

Surtout, NE CÉDEZ PAS À VOTRE PROPRE ANGOISSE.

Apprenez à communiquer avec bébé, à connaître ses besoins, à le rassurer, à le nourrir bien sûr s’il a faim et ne vous précipitez pas vers le « bouchon antibruit ».

Si… vous avez cédé malgré tout,

ÉVITEZ DE LUI DONNER LA SUCETTE LE SOIR QUAND IL S’ENDORT POUR LA NUIT.

 

Dr Thierry Marck

 

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